J'aime fabriquer le théâtre sur les débris du passé, à partir de traces desquelles on s'empare, grâce auxquelles on cherche à créer de nouveaux imaginaires.
Mon théâtre a à voir avec le rêve.
Il donne des visages au réel tant par les phrases, la musique, que les images cinématographiques.
Proposition visuelle et sonore, et en même temps, narration poétique singulière. Au-delà de la forme essentiellement documentaire et autobiographique qu'aurait pu prendre le spectacle, j'ai décidé d'opter pour une narration décalée et espiègle. La comédienne-narratrice entre en communication avec les vidéos. Elle s'amuse à commenter et manipuler les informations délivrées par Marie-Pierre et Jean-Louis, elle joue constamment sur l'aveu de théâtre. L'idée étant de ne rendre ni sérieux, ni grave un sujet du "réel", mais de s'y laisser entrer avec la légèreté, l'humour et la fantaisie que permettent la scène. Surtout, je pense que l'art a cette capacité de nous faire décoller, rêver, lire le monde autrement. C'est ce frottement entre la beauté de l'ordinaire et la puissance de l'imaginaire que j'ai voulu faire se rencontrer.
"Il y a quelques années, je suis partie filmer Marie-Pierre et Jean-Louis Guinot à Ham, en Picardie, poussée par le désir de réaliser le portrait cinématographique de deux amis un peu hors-normes.
Marie-Pierre est aveugle, Jean-Louis est sourd. Elle était religieuse, il était prêtre. Ils se sont rencontrés lors d’un pèlerinage. Ils sont tombés amoureux, ont quitté l’Église, se sont jetés dans le vide. Je les ai rencontrés tôt. À 15 ans, ils ont changé ma vie.
Je propose cette plongée dans leur intimité, convaincue que la joie réside dans les détails et que les plus grandes beautés, au même titre que les plus grandes souffrances, ne font pas de bruit. Loin de l’ostentation, il existe des vies au calme, dans l’intimité des campagnes et des coins de rues, où l’essentiel demeure, tout petit, dans les détails."
Charlotte Filou.
Aux confins du théâtre et du cinéma ce spectacle sonde notre rapport à la joie, à la communauté, à l’altérité.
– C’est votre grand-mère ?
– Non c’est ma meilleure amie.